Ursula et Max me doublent, fenêtres ouvertes, clochette à fond, c’est bon de les voir.
Le cheminement est rapide sur cette partie de parcours. La traversé du premier village, Pontressima, se fait avec une pause obligatoire, scotché par le feu rouge d’un chantier qui, si il devait être franchi, entraînerait la disqualification du coureur. Je patiente donc sagement, en attendant qu’il passe au clignotant. J’en profite pour avaler une pâte d'amandes et boire un coup. Un peu plus loin, le rond point de bifurcation vers la droite, rejoignant la route de Saint Moritz et des hôtels huppés! Là, un brouillard épais est présent et embrasse toute la vallée. Le paysage est là encore surréaliste, les rayons du soleil perçant ça et là rendent une ambiance vraiment spéciale.
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Le brouillard dans la vallée allant de Saint Moritz à Zernez Photo Ursula Perrier |
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Le brouillard dans la vallée allant de Saint Moritz à Zernez Photo Ursula Perrier |
Ursula et Max me doublent, fenêtres ouverte, clochette à fond, c’est bon de les voir.
Quelques coureurs font la course à vitesse similaire et on se croise au gré des pauses de l’un ou de l’autre. La lumière clignotante arrière marque dans le brouillard un halo rougeâtre, et, même si l’ordre du jour est de ne pas se lâcher en vélo, je conserve ces ponctuations en ligne de mire, ça me permet de garder tout de même un certain rythme et me maintient dans une bonne dynamique.
La traversée de petits villages, en sortie de la route principale permet de faire quelques centaines de mètres sur des bon pavés, bien casse gueule….mon compteur vélo en fera les frais, son attache cassée au passage de ces partie très “vibrantes”.
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Photo Ursula Perrier |
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Photo Ursula Perrier |
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Photo Ursula Perrier |
Ursula et Max, sont arrêtés quelques centaines de mètres plus loin, j’en profite pour leur donner mon compteur cassé et croquer un bout de banane sans vraiment m’arrêter, on se dit “À Zernez, Parking P1” repéré la semaine d’avant, à l’attaque du troisième col, le Passo del Fuorn, reconnu lui aussi la semaine d’avant, qui s’étire sur 20 km en deux bosses pour un cumul de 650 m de D+.
Km 72, Parking P1, 2h25 de vélo pauses incluses, 29km/h de moyenne sur ce premier tronçon, tout baigne!
La pause technique tant attendue est là, de vraies toilettes s’il vous plaît….mince, le coté hommes est occupé, allons côté femmes.
Passage par le hayon et buffet à volonté d’Ursula et Max, le food truck de la montagne!
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Le camion bleu "food truck de la montagne" photo Ursula Perrier. |
Encore un verre de soupe, je mords aussi dans un jambon beurre excellent et un bout de banane pour la route.
J’en profite aussi pour quitter la veste manches longues et les jambières et prendre une veste manches courtes, ne pas oublier le tracker GPS et la coupe vent. Prochaine pose au sommet du col.
Là aussi, les pentes douces ne tirent pas trop sur les cannes, même si malgré tout, les kilomètres roulants les ont finalement pas mal sollicitées, mais globalement, la forme est bien là. La route est belle, très peu de circulation, en dehors des quelques voitures de support team d’autres coureurs évoluant à vitesse similaire de la mienne.
Km 92, 3h50 de vélo, 1700 m de D+ cumulés jusque là, le col, je suis à quelques minutes près sur le plan de course, sans forcer, c’est comme ça que je l’imaginais et ça fonctionne parfaitement.
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Col "Dal Fuorn" quelques jours avant la course. Photo Nico.
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Le profil "Dal Fuorn" |
Comme pour les autres pauses, l’habitude s’installe, une bouchée de "ci", un verre de "ça", quelques mots et ça repart. On convient chaque fois des endroits d’arrêts et de ce que je souhaiterais pour m’alimenter ou m’habiller, c’est très confortable et rassurant pour le reste de la course. Les calories cramées sont tout de suite ré approvisionnées pour les heures qui viendront par des sucres lents et rapides. Aucun moment de “mou”.
Encore une partie roulante, majoritairement descendante entre le col dal Fuorn et le pied du Stelvio situé à 900 m d’altitude.
Ca s’enroule bien, même si la partie en fond de vallée se fait face au vent assez soutenu. Mais là, inutile d’appuyer plus que de raison, et pour cause, le Stelvio pointe son nez et l’attaquer le plus frais possible est une évidence.
En quelque chiffres, un déroulé de 24 km pour 1900 m de D+, une pente moyenne de 7.5% et ses 48 virages en épingle qui font de lui une légende. On l’attaque au km 130 de la course.
Vidéo de la présentation du col: ICI https://www.rideapart.com/articles/313978/watch-this-and-plan-to-rent-a-motorcycle-in-italy/
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Le profil du Stelvio |
KM 125, 4h42 de course, une moyenne de 26,5 km/h, les voyants toujours au vert!
Juste avant la bifurcation, pause ravito….du sucré, eau gazeuse, coca, pâte d'amandes et banane. Bien ravigoté, l’attaque est souple, les paysages, une fois de plus splendides, le torrent énorme sur le côté de la route, la fraîcheur et, étonnamment, peu de circulation. Tout baigne!
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Ursula aux commandes de la bat mobile Photo Max la menace |
Les premiers kilomètres s’enchaînent bien, dans la forêt. La pente est régulière et je monte en fréquence, sans forcer, toujours à l’économie. Certains coureurs passent devant, je les refais quelques Km plus loin, on échange quelques mots, l’ambiance est bonne enfant, à part le belge à moustache qui ne décroche pas un mot. On a aussi l’espagnol, les Italiens, et tout le monde s’encourage dans ce morceau de choix, on sait qu’on se rapproche quand même de la fin des hostilités et le moral, et les jambes, sont ok.
Quelques ravitos à l’arrachée pour saisir un bidon d’eau pétillante ou une bouteille de Coca, Ursula et Max font un travail énorme pour me faciliter la tâche, et en dehors de douleurs brûlantes sur le haut des épaules, je vais bien.
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Ravito de pro. Photo Ursula Perrier. |
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Ravito de pro. Photo Ursula Perrier. |
Sortie de la forêt, le milieu du parcours, encore 13 kilomètres “13 km to go” est marqué au sol en peinture bleue! Allez, c'est pas si dur que ça! Je loue l’étincelle de conscience qui m’a fait installer un 12/32 sur le vélo deux semaines avant la course, ça permet de rester assis tout le long et de passer en douceur, même si la vitesse de course s’en trouve bien sûr pénalisée, ça monte sans se poser de questions.
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Photo Umberto AMIRAGLIO |
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En face, la montagne, énorme et magnifique! Photo Umberto AMIRAGLIO |
Une douleur commence par contre à se faire ressentir au niveau du tendon d’Achille au pied droit, c'est gênant quand, malgré tout, je souhaite relancer un peu et donner de la danseuse, ça coince et ça fait mal! Merdouille, me dis-je, espérons que ça passe avant la partie course à pied.
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Dans le Stelvio Photo Max Perrier |
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Dans Stelvio , Max à bord de la Bat Mobile en support team de choc. Photo Max Perrier |
Il reste 15 virages en épingle, c’est l’euphorie totale, le dernier morceau de route semble de loin s’élever à la verticale, les glaciers sur la gauche, un petit lac, tout ça est fabuleux, je me dis que j’ai une chance de malade d’être là et que cette journée de course est juste ANORMALE! Même la météo est avec nous!
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Vertigineux Stelvio Photo Ursula Perrier. |
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Vertigineux Stelvio Photo Ursula Perrier |
Aujourd’hui, une semaine après la course, la webcam du Stelvio montre grise mine, neige et brouillard…..là, ça n’aurait pas été la même! Je pense aux éditions de 2016 et 2017, réalisées avec des conditions météo de débile. Je m’y suis pourtant préparé depuis des mois, allant rouler et courant sous la pluie, me disant chaque fois, “comme ça, tu t’y habitues”. Mais aujourd’hui, il fait grand beau, pas de vent, c’est le bonheur!
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Photo Ursula Perrier
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Photo Ursula Perrier |
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Photo Ursula Perrier |
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Photo Ursula Perrier |
Encore quelques lacets, quand je regarde à droite….j’ai le vertige (!) et regagne le milieu de route, me sentant un peu ridicule, mais je suis le seul à savoir ça!
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Photo Ursula Perrier |
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Photo Ursula Perrier |
Ursula et Max sont encore là, et en passant, je leur dit que la pause sera au sommet. La montée du col se sera faite sans arrêt, tant mieux. Je repense à mes somnolences sur le dernier Stonebrixiaman dans le Gavia ou l’an dernier sur le parcours vélo de l’Alpsman sur lequel je m’étais clairement ennuyé et n’avais éprouvé aucun plaisir. Ici, tout est différent, la course, presque abordée comme une longue randonnée, traversant des paysage aux échelles démultipliées procure beaucoup de joie et réussir à s'y mouvoir de la sorte est une belle satisfaction.
Les teams des autres coureurs sont aussi là pour encourager, peu importe qui, tous les coureurs sont poussés par des "Grandé" italiens, des "Aya" norvégiens, des "Allé" français.
Le fait d’avoir Ursula et Max à mes cotés contribue sans doute aussi à encore un peu plus ajouter à la beauté des ces moment privilégiés. C’est chouette!
Km 154, on cumule maintenant 3700 m de dénivelé positif sur ce qui à été réalisé de ce parcours vélo. Arrivée au col, il est 13 h 45, toujours sur les temps de passage estimés.
Là haut, c’est pas terrible, on se croirait un peu à Disneyland, du bof partout, ventripotent, sortant de sa voiture pour une bière, une frite, une clop et un selfie puis repartir.
Tellement de monde que j’ai du mal à trouver le local mis à disposition des coureurs de l’ICON pour l’unique ravitaillement officiel de cette partie vélo. Je boite un peu, rouillé par 7h15 de vélo (sic!) Tiens, mon tendon d'Achille s'est débloqué, un claquement sec s'est fait entendre et la douleur a disparu d'un seul coup. Top!
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Photo Ursula Perrier |
Un sandwich au jambon un peu sec, un verre de Coca, je m’assois pour profiter un peu d’Ursula et Max et savourer une minute de repos avant d’aborder les derniers 46 km de ce parcours dantesque. Le dénivelé restant est de 1000 m.
Veste coupe vent enfilée, il fait frais à 2758 m! Là encore, je jouis de mon acclimatation des semaines précédentes, aucun ressenti dû à l’altitude dans les montées, je suis bien.
La descente est raide, au départ en lacets serrés, on arrive sur une longue ligne droite, et là, à pleine vitesse, mon vélo se met à guidonner. Nom d’un chien, ce vélo à pourtant plusieurs années de service et nombre de cols déjà descendus, qu’est ce qui se passe. Freinant progressivement, le mouvement s'atténue, je suis sur le bord droit de la route arrêté, hagard, me demandant pourquoi ça guidonne maintenant. J’avais déjà eu ça semaine dernière…..peut être trop crispé sur le bike, peut être la tension au niveau du jeux de direction...quoi qu’il en soit, une belle frayeur et une perte de confiance pour le reste de cette descente que je ferai en serrant les fesses.
Km 173, Bormio, marquant l’attaque de ce dernier col, le col de Foscagno (2291 m) qui se déroule sur 24 km. Sans avoir une pente moyenne importante (4.4%), dû aux 10 premiers kilomètres peu pentus, il marque certains passage avec des pourcentages plus élevés à 7%, 8%, 9%, 10%....les 14 dernier km sont classés hors catégorie et à ce moment là de la course, faut y aller mollo.
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Profil du "Foscagno" |
Je regarde ma montre, "outch", déjà 8h30 de bike, mince, à Embrun j'ais posé le vélo depuis un peu plus d'une heure (!), mais en fait, je n’ai pas vu passer le temps. Mentalement, on se prépare à affronter le marathon qui va suivre. La température augmente pas mal et je n’ai plus d’eau dans mon bidon. On s’est dit avec Ursula que ça ne servirait à rien d’avoir une pause de plus sur ce dernier col….mal m’en a pris!
Je suis donc à l'affût, recherchant la fontaine salvatrice alors que devant, mon ami espagnol en est à son second complément d’eau via son support…..mais les fontaines ne sont pas là, la route n’est pas très jolie et le trafic routier assez important. On est sur une typologie de route de moyenne montagne et la haute montagne avec ses glaciers et son air frais et pur, me manque déjà!
….je suis sec! Mais j’ai une équipe de choc, ils se sont rendus compte de notre optimisme et de la difficulté du dernier col et on prévu une pause rafraîchissement pour le pauvre de moi, et, à la première opportunité de se garer sans gêner le trafic, ils ont été là, hayon buffet ouvert, coca frais (merci la glacière branchée) eau gazeuse, sandwich et pâte d’amandes. Que c’est bon! J’aurais envie de m’asseoir mais le règlement précise que l’on ne peut pas poser ses fesses sur le siège d’une voiture de la team, ni même sur le pare choc. C’est donc assis par terre que je me cale 3 minutes en dégustant les boissons fraîches mises à ma disposition par la support team de rêve. Un vrai luxe.
Je repars, une fois de plus rassasié et boosté à bloc, d’autant que, même si ce dernier col s’enquille plus difficilement que le reste, la fin de la partie vélo est proche.
Le trafic bleu me double, on a convenu qu’on se revoyait à la T2, pas avant. Il me reste 7 kilomètre de grimpette avant la bascule, les jambes pédalent mais je suis mentalement dans l’optique du marathon. Mon planning prévoyait une arrivée à la T2 pour 16h00, 9h30 de vélo. J’avais quand même imaginé aller un poil plus vite, mais à chaque col, les temps étaient à quelques minutes près sur ce que j’avais prévu….et toujours calé derrière l’oreille, “fais ta course pour finir, ne va pas chercher un classement”
Pour comparer avec d'autres parcours vélo de courses dures, le parcours de vélo de l'Embrunman sort pour moi entre 7h25 et 7h40 (188Km, 3600 D+), celui du Bearman en 8h07 (180 Km, 4600 D+), celui de l'Alpsman ou je m'étais endormi en 8h11 ( 184Km pour 4650 D+), le Stonebrixiaman en 7h35 (168KM, 6700 D+)
A deux kilomètres du col, qui je vois, Max, sur le bord de route, ils ont quand même fait une pause….et je vais quand même reprendre de l’eau gazeuse fraîche, parce que, quand c’est là, tu prends, tiens!
Allez, sans trop ralentir, la bascule se fera un poil plus loin après une série de tunnels paravalanches ajourés mais pas très lumineux et en courbe, je serre les fesses au passage des voitures, ma petite lampe de derrière n’a plus de batterie et j’ai peur de me faire pousser par une bagnole.
Les paysages redeviennent alpins et l’air devient aussi plus frais, c’est très agréable. Enfin, le col! La descente sur Trepalle fait 4km, je jubile d’avoir terminé cette partie de manivelles sans être cramé et en ayant su avoir la sagesse de rester dans le plan “Finisher”.
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Dernier mètres de vélo, après, va falloir courir! Photo Ursula Perrier |
On avait été prévenu lors du briefing de course, le virage en épingle à droite est serré et une voiture suiveuse y est bloquée, je passe sur le talus à droite en déchaussant un pied, le parc T2 est visible sur la gauche après un dernier coup de cul bien bien raide.
Déchaussage, un bénévole m’attend pour s’occuper de mon vélo. Ursula et Max sont là, Ursula m’accompagne avec les sacs “Marseille” pour la T2, affaires de course à pied. Sous une tente, des bancs et des tables, comme pour un banquet (!) je pose mes fesses sur le premier coin de banc, retire les chaussures+chaussettes de vélo, la veste manches courtes, en sors le tracker GPS pour le caler dans la poche latérale de mon sac course à pied. Les manchons de compression pour les mollets sont vite enfilés, une paire de chaussettes propres, chaussures de running, casquette. Les affaires obligatoires sont checkées par un gars du Staff, frontale, veste coupe vent étanche, nourriture et boisson, sac refermé et enfilé, je peux y aller.
Un dernier coup de dents sur une tarte aux myrtilles proposée par le ravitaillement, un verre d’eau, c’est parti.
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A la sortie de la T2, smile! Photo Max Perrier. |
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C'est parti pour 42 bornes de course à pied Photo Max Perrier. |
Ursula est parti en avance vers la voiture garée un peu plus loin, elle a mis à ma dispo de l’eau gazeuse et du coca. Un verre de chaque et c’est définitivement le temps de m’arracher de là.
Le parcours de la course à pied est sympathique, il attaque par de la descente. Ceci-dit, après les 200 bornes de vélo, les cannes sont lourdes et la position debout impose une adaptation physiologique et psychologique qui peut prendre un petit moment.
Et si on se faisait un petit footing.....de 42 bornes
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Le parcours dans son intégralité |
Je pars donc tranquillement, les jambes, rouillées au départ, se débloqueront petit à petit. Le parcours est effectivement très descendant sur les deux premiers kilomètres. On est sur du bitume, ça tape, les pointes de pieds touchent dans la chaussure, c’est inconfortable au possible mais ça va pas durer. Ce qui m'ennui vraiment par contre, j’ai toujours mal au bide, je dois faire une pause technique de plus pour lâcher un peu de lest. Repartir, c’est mieux, j'en profite aussi pour sortir de mon sac une petite éponge que je cale sur le haut de l'épaule en dorsal pour soulager la morsure de cette inflammation qui ne me quitte pas depuis des mois, je la trempe dans une fontaine, le point froid en compression fait du bien.
Je quitte le bitume pour du chemin en monotrace pas très technique, terre et caillasse, la pente est plus douce, ça devient plat, je cours, sans blague, je cours…..je suis seul au monde, personne devant, personne derrière, le paysage est très joli, la forêt est là devant, on devine le lac tout droit, je rêvasse, je suis bien! Trois kilomètres, sur un nuage, je suis un petit torrent à gauche et le chemin m’amène à gauche en traversant un petit pont…..et ça monte, mince, je cours encore, la pente se relève, mince….je cours plus. J’ai un gros doute sur mon cheminement, suis-je toujours sur le parcours de la course? Le profil que j’avais en tête ne proposais pas de pente montante ici. Je rebrousse chemin pour aller voir au pont si par hasard je n’aurais pas loupé une flèche…..j’arrive au pont, il y a effectivement une flèche...à gauche, mince, alors ça monte vraiment là? Entre temps une nana passe en vtt…..elle pousse son vtt dans la pente qui se relève, le sentier rentre dans la forêt et part en lacets montants. Je marche, d’un pas rapide mais refuse de courir, il reste 38 bornes, hé!
Heureusement, ces pentes se calment, ça repart quasiment plat en sous bois, à flanc de pente, ça descend soudain raide en revenant vers le lac que je distingue à travers les arbres.
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Passage dans le bois, frais et apaisant, c'est beau! Photo Samuel Confortola |
J’arrive soudain sur un chemin gravillonné large…..s’y promènent des touristes. Ils ont l’air surpris de voir débarquer un OVNI sorti du bois, je le suis presque autant qu’eux, d’un seul coup jeté dans un milieu “peuplé”. Mord de rire, l’impression de sortir de 15 jours de brousse après quelques heures de sport!
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Supinateur? Photo Samuel Confortola |
Le chemin est plat de chez plat et je cours peut être un peu trop vite, cherchant une foulée que je ne trouve pas pour ce début de course, très rapidement dépassé...... j’explose après un kilomètre. Je me retrouve à marcher,” ok j’ai compris, on va revoir les allures, trottiner, pas courir, sinon tu vas pas finir mon gars!”
Je me refais la cerise, bois un coup, mon sirop de framboise dans le sac à eau est frais, c’est un régal.
On avait convenu avec Ursula et Max qu’on se croiserait autour du km 12. Le parcours commence dans la vallée de Livigno, sur de la piste cyclable partagée piétons/vélos en légère montée. Je trottine donc et ça va pas si mal que ça. Les kilomètres défilent, pas trop vite, mais défilent. Il y a pas mal de monde sur ce secteur, certain passants au courant de la course applaudissent et encouragent, admiratifs, moi, ça me file la chair de poule. Les “Grandé” et les “Daï”,sont d’un réconfort énorme. On prend conscience de la difficulté de ce que l’on est en train de faire, et on a envie de bien le faire.
Ursula, tiens, elle est déjà là? Je pense à ce qu'elle a du gérer de son coté, le ramassage des affaires de vélo, le vélo à rentrer dans la voiture etc....et organiser les affaires pour la suite. C'est sûrement pas simple.......
Elle se met à courir à côté de moi, on va courir et marcher puis re-courir comme ça sur un peu plus d’un kilomètre, le temps de planifier qui, quoi, quand, comment et où des prochains ravitaillements perso.
Max est un peu plus loin, il m’attends avec un ravitaillement bien venu, encore de la soupe, c’est bien pour tapisser l’estomac et ça servira pour les heures d’après, ensuite, un verre de coca, un verre d’eau et on repart. Ursula passera par l’appart pour faire une pause et refaire le plein pour me recroiser au demi tour en fond de vallée au km 20. Max court, il arrive même à discuter avec moi, il court et court comme il n’a jamais couru de sa vie! Il manque même la bifurcation qui devait l’amener à l’appart rejoindre Ursula. On passe comme ça 5 bornes, 5 bornes de plaisir, oubliant les difficultés de la course. Il doit quand même partir à droite pour retourner à l’appart et arriver ensuite à me rejoindre au demi-tour avec Ursula.
On doit être au kilomètre 11, je sais que l’organisation a prévu des ravitaillements officiels, il y en a un qui va arriver au kilomètre 13. La piste cyclable laisse la place à des parties de sentier bien agréable, passage de ponts, le ravitaillement arrive. Je fais la pause rapide, bois un verre de thé chaud, bien sucré et repars. Le prochain est au Km 18.
Les kilomètres s’enquillent finalement pas trop mal, entre temps,la couleur du ciel à changé, il est moins bleu qu’avant, quelques nuages offrent une ombre finalement appréciable.
Je suis maintenant sur du chemin monotrace, le silence absolu, toujours seul au monde, les écarts entre coureurs sont, semble t’il, assez importants. J’ai bien recroisé mon Belge moustachu et quelques autres au gré des ravitaillements, mais l’un ou l’autre part toujours avant ou après et finalement, on court seul.
Bzzzzzzzzzzz, j’entends un bourdonnement un peu plus loin, ça vient de la forêt, à un moment ou la pente se redresse après le ravitaillement du 18ème, je marche, toujours dans cet optique de finir avec quelques watts, marcher dès que ça monte, courir sur le plat ou en descente. Je marche donc et aborde une pente raide, le Bzzzzzzzzz est un drone qui, à la sortie de ce sentier, attend les coureurs pour les filmer, il y a aussi une caméra sol et un photographe…...peut être verra-t-on plus tard les images de ce passage.
Le demi-tour marquant le 20 ième Km n’est plus loin, je débouche dans ce fond de vallée, ça monte encore pas mal, chemin gravillonné large puis monotrace. Hourra, c’est la bascule, une ferme à droite, le bout de la vallée de Livigno. Le ciel est encore un peu plus gris et il commence à faire frais. Il est 18 h 40, c’est top, je suis pile poil sur les prévisions (à 10 minutes) et je sais que je ne vais pas tarder à croiser Ursula et Max pour un ravito. Perso.. Je vois un poil derrière moi un autre coureur qui arrive, il est habillé avec la trifonction de l’édition “One” du Stonebrixiaman que j’avais fais en 2017, je l’attends, on repars en marchant (ça remonte un poil) et on discute, plus dur ou moins dur aujourd’hui? On s’accorde à dire que le vélo, ici, est bien sélectif et on se demande comment on sera croqués sur la fin de ce parcours à pied. Il a un peu plus de peine à relancer quand ça redevient plat, alors il me demande de ne pas l’attendre, je lui dis que de toute façon, on se reverra sûrement plus tard.
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Km 23....tout baigne! Photo Diego De Giorgi |
Quelques centaines de mètres plus loin, comme prévu, Ursula et Max, arrivés en vélo, m’offrent de l’eau pétillante, du coca. Mais je sens que pour du solide, l'appétit commence à faire défaut…..hummmmmm, pas bon ça, on est au Km 23, reste un semi et pas mal de dénivelé…..pourvu que ça tienne. Je me force quand même pour avaler un verre de soupe et mords dans un morceau de pâte d'amandes. Notre ami Italien du
Stoneman arrive, on lui propose de l’approvisionner avec ce qu’il aimerait, il refuse, il continue sur sa lancée, je repars derrière lui. Avec Ursula et Max, on se dit rendez-vous à la T3, au Km 29,5.
Le parcours est maintenant assez descendant, piste cyclable, côté gauche de la vallée, elle est en balcon à quelques dizaines de mètres plus haut et offre une vue sympathique sur le village qui approche. Le camping sur lequel on était il y a deux nuits est là, juste en dessous. Ca me fait sentir que le but se rapproche, le plus gros est fait. Moment d’euphorie, je monte en allure, arrive sur un groupe de coureurs + team et passe, ils marchent, je cours, c’est le bonheur!
Je rattrape un binôme que je vois se rapprocher chaque fois qu'une ligne droite me permet d'avoir une vue éloignée. Je reconnais ce débardeur, rouge et blanc à rayures, c'est Peter Oom, il est habitué à des top 5 sur pas mal de courses, que fait-il là?
Je finis par les rejoindre, lui et sa support, on discute un peu du Stonebrixiaman qu'on avait fait la même année etc....et je les double, leur disant qu'on se reverrait là aussi certainement plus tard, au gré des ravitaillement et de la force qu'il nous resterait.
Oups, le parcours fait un crochet à gauche, remonte dru dans la forêt, on se rapproche du passage sous le câble du téléphérique du Carosello 3000. Là, ça court plus du tout, les mains sur les cuisses pour aider le mouvement, je me retrouve essoufflé, mais ça tient, le passage raide est finalement assez court, monotrace, traversée de torrent, en sous bois, j’ai enfilé la coupe vent, il commence à faire vraiment frais.
Km 28, ça débouche sur une route forestière, un ravitaillement de la course sur le gauche, je m’arrête, bois un thé chaud…...trop vite pour un estomac qui commence à en avoir marre de l’effort, et, sans surprise, à peine ingurgité, il revient….premier vomito après environ 14h00 de course, pas bien! C’est aussi le moment qu’a choisi ma montre pour rendre l’âme, batterie off! J’ai une deuxième montre en T3 pour pouvoir garder trace de cette course et avoir une analyse de ce qui s’est passé.
Un des gars du staff me demande si je ne veux rien d’autre….il insiste, je me dis qu’il a raison, essaie de boire tout doucement un fond de verre de coca…...ça passe!
Les mecs que j’avais laissé derrière en ont profité pour passer devant, pas grave, je sais qu’on arrive à la T3, j’ai la banane!
Max surgit d’un coup là où je ne l’attendais pas, au détour d’un virage, en même temps la vue s’ouvre sur la station basse du Carosello 3000 et la Plaza Placheda, où se situe la T3. Quelques centaines de mètres pour nous y rendre en forte pente descendante, les pointes de pied tapent au bout des chaussures, les quadriceps se font sentir mais la tête est ailleurs, maintenant, je le sais, je tiens le bon bout, je vais être un “ICON”.
Le jour est en train de tomber et lorsque j’arrive avec Max sur la T3, c’est presque comme si on était déjà arrivé, une arche gonflée marque le passage pour se rendre dans la salle où se situe la transition et la vérification du matériel obligatoire. Pas mal de monde, les encouragements à nouveau, Ursula est là, elle est prête avec le sac plein des affaires obligatoires pour cette dernière partie de course, la dernière ascension. Le sac est vidé sur une table, mes affaires dans le sac “Laurent Vidal” d’un côté, les siennes de l’autre. Tout est méticuleusement inspecté par un membre du staff, le pantalon windstopper, la veste de pluie à capuche, le sous vêtement technique, la frontale, à boire, à manger…..tout ça multiplié par deux, Ursula va se taper un sac bien chargé pour partir avec moi sur ces 12 derniers kilomètres.
Max, lui, empruntera le téléphérique pour se rendre tout en haut et nous attendre au Carosello 3000, on a convenu qu’Ursula lui enverrait un sms pour le prévenir de notre arrivée prévue pour 22h30 sur le plan de course.
Le checkup du matériel terminé, je garde ma coupe vent, frontale sur la tête, bâtons à la main, deuxième montre démarrée….mais à la recherche du signal satellite (garmin 910 XT) , on s’échappe, les luminaires publics se sont éclairés, on est vivement encouragés et j’en ai encore la chair de poule!
On part au début en marchant, il y a environ 5 km pour traverser la longue rue piétonne du centre village.
Il est environ 20 h 15.
Pas mal de monde dans la rue, ou assis en terrasse et là encore pas mal d’encouragements, on se met à courir, Ursula, chargée comme une mule fait un effort de malade pour maintenir une allure, moi, léger, avec mon petit sac de trail, je n’ai que ses bâtons à prendre, je l’encourage, on s’encourage, les gens autour nous applaudissent, on est bien!
On a un couple d’Italien devant, et on se dit qu’on va essayer de ne pas les lâcher….mais, avec son sac, Ursula peine de plus en plus et on se dit que de toute façon, on va pas gagner grand chose à se défoncer ici en bas, il faut en garder pour la fin.
Nos Italiens s’éloignent, comment ont ils fait pour caser tout le matos obligatoire dans d’aussi petits sacs? Bref, on alternera marche et petit trot jusqu’au virage à gauche qui amorce les derniers 10km, là, surprise, c’est un vrai show avec speaker et jeux de lumières pour passage sous une arche, encore des encouragements fournis…..avant d’obliquer pour ce dernier bout, passant du bruit et de la lumière à un noir intense maintenant, le silence, …..la pente. Ca part tout droit dans la pente et c’est sacrément raide. On voit bien les binômes plus haut et plus bas, marqués par le halo de leurs frontales, et avec ça, difficile de ne pas se prendre au jeux. Forcément, tu ne veux pas que les deux points blanc là bas en bas te rejoignent et tu te dis qu’il faut garder en point de mire le duo de devant, alors, ton allure n’est plus celle que tu aurais si tu étais seul, forcément, ça accélère.
Heureusement, c’est un premier coup de cul sur 200 m de dénivelé et après on sait que ça se calme pour retourner en balcon jusque au km 37,5, il restera alors uniquement 5 kilomètres à gravir mais avec 800 m de D+, pour ceux qui sont forts en math....on est pas loin de
20% de pente moyenne, on va morfler!
Je préviens Ursula d’une espèce de fièvre qui me tombe dessus, je pète soudain de chaud et me sens fébrile, je connais ça, c’est pas bon du tout, ça annonce le début de la fin, des spasmes et vomissements vont arriver à intervalles réguliers pour me pourrir cette fin de course. Merdouille, me dis-je, c’était vraiment obligé, si près du but!
Et donc, premiers spasmes, obligé d’arrêter la machine, première pause, arc bouté sur mes bâtons, penché vers le bas, c’est Guernica, tout s’écroule!
Je sais que ce ne sera pas la dernière pause de ce type, plus nous allons avancer, plus l’écart entre ces épisodes devrait se réduire. Il va falloir gérer au mieux.
On rattaque sur une partie quasi horizontale maintenant, je me sens tout à coup bien mieux et en profite pour redonner de l’allure, je sais que ça sera comme ça jusqu’à ce que, à nouveau fébrile et fiévreux, je laisse passer les spasmes pour continuer, jusqu’au sommet!
Ursula s’adapte et sait exactement ce qu’il faut faire, on se parle peu mais la communication est pourtant parfaite.
Km 36….on remet ça,le temps passe….et je trépasse, le dernier petit ravito improvisé par un habitant d'une ferme et ses enfants ne m'aura pas réussi, et pour cause, jamais, je n'ai bu un truc aussi écoeurant, mais je ne pouvais pas refuser, ils avaient l'air si contents de nous l'offrir!....un coca "The new one" qu'il a dit, un mélange de coca et de café au gout caramel....mais sans sucre! Je vous laisse imaginer.
Donc, vomito hillico, quasiment 8 minutes avant de repartir. Nos deux suédois repassent devant et les prétendants, halos de frontales, semblent se dépêcher encore d’avantage pour passer devant. J’ai l’impression d’être l’insecte à l’agonie que des milliers de fourmis emporte vivant vers la fourmilière.
Km 38, c’est l’attaque de la dernière partie raide, on va remonter sur une piste de ski. Ce que j’avais pris pour un sentier monotrace s’avère en fait être une espèce de chemin large et sur raide presque direct dans la pente. Ce compte rendu reprend les kilomètres d’après le tracé Strava, mais en ayant changé de montre, je ne sais pas du tout où nous en sommes des 42 bornes et ça va nous jouer des tours.
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Derniers 5 kilomètres....une pente à 20%!!! |
Km 39, on devine la station intermédiaire du téléphérique, encore une pause, encore les spasmes, encore un peu plus à creuser dans un mental en lambeau, rafistolé par les mots d’Ursula et son aide sur chaque épisode.
500 mètres plus loin, on domine la station, je jette un oeil sur l’altimètre et cette montre qui a mis un temps fou à trouver les satellites, elle me donne 2000 mètres. C’est la fin des haricots. Cette nouvelle me tue. Il resterait encore 800 m de D+.....je commence à douter clairement de ma capacité à rejoindre ce foutu sommet, vu le rapprochement des spasmes et l’énergie qu’ils me bouffent.
On pense bien que la montre déconne….mais une part de doute subsiste. Le mental fait tout à ce moment de la course et une once de positif permet de repartir. On imagine cette dernière ligne droite, escarpée dans la caillasse, qu’on a vu et revue sur les images des finishers des éditions précédentes. Si on veut finir là haut, c’est pas le moment de chouiner.
Je repense aux mots de Steph “à quatre pattes tu le finis”.
Manquerait plus que ça. Mais que c’est raide, en fait, cette dernière portion de plusieurs bornes, c’est tout le long aussi raide que les derniers 100 m qu’on voit sur les vidéos de la course!
Km 40.5, mon allure, entre les spasmes est vraiment correcte et c’est d’autant plus rageant, mais il n’y a rien à y faire. Il fait maintenant bien froid, j’ai enfilé un pantalon et ma veste gore tex sur deux coupes vents (Merci Ursula). Je ne parle plus qu’à voix basse, je ne suis plus que l’ombre de moi même. Je me rince la bouche de temps en temps avec le tuyau du camel back d’Ursula, j’aimerais déglutir mais n’y parviens pas. Elle me propose une pâte d’amandes, je me dis que si ça passait, ce serait un miracle, le fait de porter le petit bout à mes lèvres provoque immédiatement une montée de fièvre, les spasmes arrivent tout de suite après, …...les coureurs passent, je ne les compte plus. On se demande vraiment combien de D+ et combien de bornes il reste à parcourir et ça n’arrange pas mes histoires. Si seulement je savais!
On repart, la vision soudaine presque fantastique de vaches bizarres, on dirait des espèces de bisons, ça nous fait marrer. Ils sont là, dans une noirceur totale, debout, dans la pente, au milieu de nulle part. Juste après, un 4X4 passe, puis un motard sur une petite motocross, là encore, on a l’impression de faire partie d’un film étrange, les situations sont presque drôles. Entre du Linch et du Almodovar, on continue notre marche nocturne. Le halo lointain d’éclairs illumine parfois le ciel. On imagine ce qu’ont subi les coureurs des années précédentes, sous la pluie, la neige, je ne sais vraiment pas si j’aurais apprécié ce plaisir supplémentaire. J’ai de plus en plus de mal à trouver l’énergie de continuer l’ascension. On fait des lacets pour affaiblir la pente, incapable d’aller tout droit dans ce raide. Je suis en fait en train de m’endormir, je pourrais me laisser tomber et dormir là, n’importe où. Je lutte vraiment pour ne pas m’asseoir, sachant que si je me pose, je ne repartirai pas…...
Au détour d’un virage, on entrevoit clairement les flammes de ce qui pourrait être la dernière ligne droite...mais la distance à laquelle elles se trouvent est impossible à vraiment estimer. Deux bornes, 500 mètres, on ne sait pas. Ce que l’on voit c’est que c’est quand même bien plus haut mais ça, pour le coup, ça réveille mon cerveau, j’étais littéralement en train de m’endormir en marchant. Le petit coup d’adrénaline m’a requinqué presque immédiatement. Je retrouve une certaine vigueur (relative), sait que maintenant, plus rien ne peut arriver, et, même si ça aurait été mieux de finir plus vite et moins malade, l’esquisse d’un sourire revient sur mon visage.
On va l’avoir cette course de dingos, on va l’avoir.
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Les torches sur le dernier replat........ bientôt l'arrivée! Photo Umberto AMIRAGLIO |
La pente se calme, on amorce une traversée à gauche, on distingue maintenant clairement le sommet, LE SOMMET!!!
Le son de la ligne arrive même jusqu’à nos oreilles, l’odeur de cire chaude dégagée par les flambeaux plantés là pour jalonner ce dernier bout de montagne, ce tas de caillasses abominable. On arrive, ON ARRIVE!!!
Nom d’un chien, combien de fois j’y aurais pensé à ce final, on arrive aux premiers flambeaux, on voit bien l’arche d’arrivée, une petite plateforme précède la montée finale, on y est presque.
Plus que quelques dizaines de mètres, la fatigue n’est même plus là pour nous énerver, les pas sont faciles, la plateforme, on y est. C’est le moment pour se serrer dans les bras l’un de l’autre avant cette dernière pente, j étouffe quelques sanglots.... Le moment est d’une intensité incroyable
!
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L'arche d'arrivée Photo Samuel Confortola |
Maintenant d’attaquer ces 30 derniers mètres, le speaker est là, il nous annonce, les tams tams et la corne de brume dans la bande son de l’épreuve pour baigner encore un peu plus dans cette ambiance de fin du monde, de fin de course.
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D'autres concurrents dans la pente finale Photo Umberto AMIRAGLIO |
La banderole d’arrivée est tendue, elle est là, elle nous attend, on marche presque à quatre pattes dans cette pente d’éboulis avant que, tout d’un coup, le sol ne devienne horizontal. Une pause pour savourer cet instant, Ursula est à ma droite, on se regarde, on empoigne la banderole...EX-PLO-SION- on s’embrasse, presque fébriles…...Je suis un ICON, “NOUS SOMMES DES ICONS”.
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Photo Diego De Giorgi
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Photo Photo Umberto Armiraglio |
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Photo Umberto Armiraglio |
La suite..............
Tout de suite après, Max est là, ils nous attendait derrière la ligne, Ursula l'avait prévenu pour qu'il descende un peu plus bas pour faire la dernière rampe avec nous mais il a mal compris et attend sagement derrière l'arche. Il a saisi l'instant avec sa Gopro!
......et puis, l'euphorie retombe, les forces en présence tellement basses, en vrac, le front appuyé sur un poteau de bois, je savoure l'arrêt de l'effort, juste l'arrêt de l'effort après.......18h37 de course! Jamais je n'aurais effectué de course aussi longue, l'Embrunman, toujours sorti entre 13h13 et 13h14, le Bearman en pas tout à fait 15h00, le Stonbrixiaman en 16h01 et 17h15.....bref, du lourd pour ce parcours qui accumule bien 243Km pour 6200m de D+
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Photo Umberto Armiraglio |
......Passé une trentaine de secondes comme ça en appui sur mon poteau (poto), on se dirige ensuite vers le restaurant de la structure de remontée mécanique......mais on ne trouve pas le réfectoire(!) jusqu'à ce que Max aille voir à l'étage, c'est bien là. Contrairement au
Stonebrixiaman où tout le réfectoire applaudissait l'entrée d'un nouveau finisher.....le resto est quasi vide et presque silencieux....des écrans TV diffusent des images de VTT de descente, j'ai un peu le vertige et suis nauséeux, je ne pourrais profiter du repas offert par l'organisation et laisse Ursula et Max aller se faire servir.
Je profite de ce moment calme pour enfin pouvoir me pauser, je m'endors!
Repas terminé, il faut se réveiller, je me gèle, on s'habille pour la descente......en télécabine!
Dans un noir total, on savoure la vue tout en bas sur les lumières de la vallée de Livigno.
L'instant est parfait, on savoure l'accomplissement d'une journée qui nous paraît avoir commencée avant hier, seul le son de la vibration du câble de la télécabine et le passage des pylônes pour berceuse. Je vais bien!
La descente semble ne plus finir et on comprend mieux pourquoi, tout à l'heure à la montée, ce cheminement nous est apparu interminable. En bas, sur la piste, quelques halos de binômes coureur / support sont encore accrochés dans la pente, comme en apesanteur. M'imaginer à leur place....non, nous avons terminé!
La station du bas arrive finalement, sortir, sentir à nouveau l'air fraîs. Il faut rentrer à l'appart, il est 1h00 du matin, Max me prète son vélo et Ursula rentre en poussant le sien qui est....crevé.
....."Livigno, Italie, Samedi 31 Août 2019, 1 heure 30 du matin, je suis assis sur le sol du bac douche et malgré l'eau chaude qui me coule dessus depuis peut être un quart d'heure, j'ai du mal à me réchauffer. Attraper le flacon de gel douche va me demander un effort considérable, je suis totalement cuit, pourtant, je me sens maintenant incroyablement bien!"
Une bonne nuit de repos plus tard, j'ai retrouvé un appétit d'ogre, il fait beau, un vrai gros petit dej. en famille avant de quitter l'appart pour la cérémonie des remises de Tee Shirt Finisher et le repas d'après course. Ces moments sont top!
On profite, maintenant sans pression de l'environnement, de l'atmosphère, du temps qui passe!
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Un TOP finisher heureux! Photo Umberto AMIRAGLIO
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Les 99 TOP Finishers Photo Umberto AMIRAGLIO |