mardi 19 juillet 2016

COURSE A PIED

Il est 13h15, je quitte l'aire de transition T2, en direction de.....l'inconnu!42 bornes et 2300 m de dénivelé, encore jamais fait un truc pareil.

A peine sorti du village et de sa chaleur humaine, je me retrouve seul et me retrouve face à la première bifurcation en hésitant sur la direction à prendre. Des personnes à la terrasse du dernier café à droite m'indique le chemin, cool! Ca part direct dans le raide, un petit bout d'asphalte avant de prendre un virage à 180° et d'attaquer un super parcours sur un chemin en balcon au dessus du village, exposé plein sud, la vue est vraiment chouette. Ca continu à monter encore quelques Km, les
5 premier affichent en fait 200 m de dénivelée (je croyais 500m) et ça se court plutôt pas mal. Le parcours est jalonné de fontaines. Les pentes les plus raides sont malgré tout marchées, j'ai laissé beaucoup d'énergie dès la sortie du village à vouloir courir......Un premier ravitaillement pointe déjà son nez. Courte pause, un verre d'eau et ça repart, ça bascule dans la descente qui s'étale sur les 5 km qui suivent pour retrouver une altitude de 100 m inférieure à la T2, Sur le parcours, j'ai la surprise de croiser des inscriptions faites à la bombe de chantier sur la terre du chemin, "Nico", d'un joli jaune fluo
marque comme ça de manière aléatoire le cheminement de ces 5 km, ça parait dérisoire mais c'est un accompagnement virtuel bien sympathique qui vient aussi rythmer mon itinérance solitaire et me ramène un peu de lucidité. Je descends comme ça 300 m de dénivelée pour retrouver le village de Temu. Je retrouve le bitume et le deuxième ravito., il commence à faire chaud, on rigole avec le staff, toujours aussi génial, plein d'encouragement, tous sourrires, ça fait du bien. Je me rapproche du Km 10 où m'attend ma petite équipe, Ursula, Bärbel, Harald, Max.

Ursula est en vélo et commence à m'accompagner. La forme est encore là......pour combien de temps? Après les dernier hectomètres de bitume, on oblique à gauche, dans la forêt, sur un large chemin de terre ombragé. La pente est raide, très raide, je ne peux et ne veux la courir. Il faut penser à en garder sous le pied pour les kilomètres qui suivent.
Ursula me ravitaille en eau pétillante et en compote, on discute, le parcours n'est pas désagréable. Une succession de montées, longues, et descentes, courtes, nous font arriver au départ d'une piste cyclable, on oblique plein Sud, c'est roulant mais je commence à ne plus pouvoir vraiment courir dans les bosses, mêmes les petites....ça commence à décliner.
Ce cheminement sur la piste se fait en aller / retour autour d'un torrent, l'aller monte, le retour descend jusqu'à re-renconter Ponte di Legno. Dans la montée, Patrik arrive au galop, il court vite, vraiment vite. On discute une minute et il s'envolera en avant.....je recule dans le classement, bon, on oublie pas l'objectif premier, finir la course, donc pas de déception, on est content d'être là, il faut profiter de cette journée. On est au Km 17, Ponte di Legno, je me réjouis de retrouver l'animation de la place centrale par laquelle on va transiter. La descente est courue mais dès que ça se redresse.....ya plus beaucoup de jus. A l'approche de la place, je trottine un peu mais reprend vite un pas plus calme....tant pis, faut se résigner à marcher. Un ravito. de plus sur la place, petite pause, de l'eau et ça continue.

 Le cheminement ensuite n'est pas super clair, on hésité avec Ursula car les rubalises se font timides et rares.....est on bien sur le parcours de la course? Ursula prend le temps de sortir la carte et de vérifier que c'est bon, je continue de mon coté sans certitude.....un aller / retour serait malvenu.....OK, on est bon, ça paraît pourtant surprenant quand on se retrouve en bord de route avec les voitures qui nous rasent et se demandent un peu ce que font des mecs avec un dossard sur le bide à cet endroit. ON attaque le Km 20, Ursula doit me laisser pour retrouver Harald, Bärbel et Max afin de rejoindre le Km 32 en voiture, c'est de là que partira le support officiel de Harald, rendu obligatoire par l'organisation, jusqu'au sommet.
J'alterne des phases de marche et de courtes phases où je trottine tant bien que mal....
Commence là une longue traversée du désert, non pas que le parcours se soit métamorphosé en dunes de sable et de poussière, non, mais un désert mental, un désert de manque de jus et de concurrents à mes trousses.


Cette partie du parcours est redoutable, de Ponte au village de Pezzo se sont 4,5 kilomètres et 300 m de dénivelé, sur route goudronnée, des lacets.....je marche désormais sans beaucoup d'espoir de recourir....on est au Km 24, il reste 8 km jusqu'au Km 32 que j'attends avec impatience, pensant que de retrouver mon "support" serait salvateur.
Un concurrent que je voyais revenir dans les lacets me rattrape, c'est David Smrcka, un tchèque...il courent, lui et son binome, mais comment font ils?
Vient ensuite un autre, italien, qui, bien que moins rapide, passe.....combien seront ils encore à me dépasser de la sorte?

Dans Pezzo, un ravito., je prends un verre de coca.....pouahhh!!! brulant, mince, je repars et fait le détour par une fontaine fraîche à 100m de là, dommage que le staff n'ai pas pensé à s'y poser pour garder les boissons au frais.
J'entame maintenant une partie transitoire, on quitte le goudron pour le gazon, c'est bien mieux, encore une petite montée vers un torrent  avant de redescendre 120 m sur 2 km pour  attaquer une montée de malade dans la forêt. Là, je crois que c'est la fin, j'en suis au 27 ième Km, j'ai beau m'alimenter, ça ne revient pas! La pente devant moi me paraît être un Everest......un gros bonhomme qui me suivait....me double, il ne fait pas parti de la course et semble amusé de voir des mecs en tenue de combat aller aussi lentement.....en fait je suis à l'arrêt, je vacille, courbé en avant, les mains sur les cuisses, la tête tendue vers le haut, mais que c'est dur. Je me reprends et repars, avec beaucoup de difficultés, mais ça repart, la pente ne se calme pas, on est dans du 21% (tracé Garmin)
...
deuxième arrêt, j'ai l'impression de n'avoir vraiment plus de jus, c'est frustrant au possible.....je suis en train de souffler en me demandant si j'allais pouvoir sortir la course quand Ursula est arrivée.....de nulle part, je me demande ce qu'elle fait là, ce n'est pourtant pas une hallucination. Ouf, elle trouve les mots pour me faire repartir....pas bien vite, mais ça repart. Sur ce monotrace dans un bois sombre  retrouve un visage moins crispé, les pas se font plus sûrs....ça revient doucement. ouf, je commençais par ne plus faire confiance à mon expérience, à me poser les questions sur ce qui n'avait pas été fait, ou mal fait qui ne permettait pas à se second souffle de venir.
On avance comme ça doucement, mais on avance,et les kilomètres aussi, on entrevoit le 31 ième puis....le 32!

Mama, du monde, un ravito, des sourrires, Harald, Bärbel et Max sont là. C'est le moment de laisser mon sac à dos, Harald en a un et va pouvoir prendre le téléphone obligatoire et le GPS. Je donne le sac à Ursula, change de chaussures laissant mes chaussures de course à pied "classiques" pour mes chaussures de trail, plus rigides et plus stables pour attaquer la partie plus technique et cailloux de ces 10 derniers km.

Qu'est ce que ça fait du bien de se retrouver sur cette partie du parcours, on s'imagine déjà sur le sentier de montagne....presque. Harald remplace Ursula, on discute beaucoup, le pas est rapide mais impossible de courir, c'est maintenant l'attitude qu'il faudra garder jusqu'au bout. La vue est encore bouchée par la forêt sur le col Paradiso, on est au Km 33....MINCE, en discutant, on s'apperçoit qu'on a oublié de sortir le téléphone et le GPS de mon sac de trail pour le mettre dans le sac d'Harald......qui n'a pas non plus son téléphone. La guigne, on est marron. Harald sait qu'Ursula, Bärbel et Max seront à Tonale, à 1 Km, il faut faire vite pour les rattraper avant qu'ils ne prennent le téléphérique pour le col.....Harald part en courant (la pente est forte)....et disparaît, je ne le vois plus. Mince, on est pas forts! Je continue comme ça et arrive à Tonale, le grand parking du téléphérique, la voiture que je reconnais, mais personne! Mais où sont ils passés? J'éspère qu'ils n'ont pas pris le téléphérique, ils devraient être au ravitaillement du col, un peu plus loin, celui avec la dead line de 21 heures pour laisser partir les derniers coureurs vers Paradiso.
Il est 18h00....on a de la marge, par contre, si on a pas le téléphone et le GPS, on sera bloqué à ce checkpoint et il sera impossible d'aller plus loin!

Galère, Harald est plus loin que le parking quand Ursula apparaît derrière lui, elle court, elle arrive à sa hauteur, sauvés! En fait, quand on a quitté le Km 32, peu après notre départ, elle s'est rendu compte que le téléphone et le GPS étaient restés dans mon sac, a pris la voiture pour essayer de nous coincer sur l'itinéraire qu'on avait imprimé mais .......qui ne correspondait pas au tracé sur place, ne nous a pas vu, c'est garée plus haut, est redescendue, à causé avec un berger en italien, est remontée.....pour finalement nous retrouver.
On  a eu chaud. Arrivés au checkpoint, on explique ce détail au staff qui aura un drôle de tracé sur son écran. Le téléphone et le GPS dans le sac d'Harald, c'est OK, on peut aller plus loin. Une petite pause au ravitaillement, j'ai un point de contracture super aigu à l'omoplate gauche, ça doit venir du sac porté sur les 32 premiers Km.




Le staff est génial, beaucoup d'encouragements, de la part des supports des autres concurrents qui attendent leur coureur aussi. Bärbel me masse un peu l'omoplate, je bois un verre, on repère le tracé de ce qui va suivre....mais que c'est loin, mais que c'est haut. De là, on a du mal à imaginer pouvoir rejoindre ce point haut. Le parcours n'est pas direct, il faut en plus faire un gros détour pour passer derrière une épaule avant d'arriver à voir le col en question. Ca promet d'être long et difficile.
Je commence à ne plus pouvoir m'alimenter correctement, prend quand même un abricot séché avec un verre d'eau, il est temps de repartir.
18h05, Francesco, lors du briefing avait parlé de 2h40 en se traînant.....on cape sur 2h30 de montée, ça nous amènerait à 20h30, mon scénario très optimiste projetait une arrivée au sommet pour 19h30, je crois qu'on sera loin du compte.

Sous les bravo des gens présents, on repart, à l'assaut de la dernière difficulté de la journée, on est au 35 ième Km, reste 7 petits (mais costauds) Km, avec encore 900 m de dénivelée. Bârbel, Ursula et Max vont pouvoir prendre le téléphérique tranquilles pour nous attendre au sommet.

Ca commence sur un chemin large et graveleux, ça redescend d'abord légèrement avant de monter régulier à 10/11%......arrive un autre concurrent qui va passer lentement en marchant lui aussi accompagné de son support, on discute un peu mais il va vraisemblablement plus vite et va passer devant. Km 38, reste 800m de déniv., c'est le moment qu'aura choisi ma montre pour s'arrêter de fonctionner, il est 18h45. On est en train de discuter de choses et d'autres, combien sont passés, la place au classement, pas important mais on se prend quand même au jeux et l'esprit de compétition ne peut pas s'en aller comme ça, alors on lutte, on lutte pour ne pas ralentir, maintenir un rythme, placer les pieds aux bons endroits. Le chemin large fait place à du sentier de montagne, celui dont on rêve, celui avec vue sur les glaciers quand on sort de la végétation haute. on croise un dépôt d'anciens télésièges et une voiture de police qui nous renseigne sur l'altitude et les mètres de déniv. qu'il nous reste à accomplir. Il en reste 400!!!. Le paysage est magnifique, on s'en émeut, même si je ne lève pas vraiment la tête, tout paraît compliqué, poser ses pieds avec stabilité, respirer...oui, j'ai l'impression d'avoir deux points de coté, un de chaque coté....mais ça continu. Un deuxième binome nous talonne, on les voit se rapprocher, mais le sommet, dont on ignore la distance qui nous en sépare, aussi.





Harald me donne les écarts en mètres, 80 mètres, je tente d'accélérer, y parvient....mais éprouve d'un coup des vertiges, une tête qui tourne, l'envie de vomir...mince, je dois vraiment m'arrêter, c'est mon ami l'abricot de Tonale qui veut aussi voir la montagne et demande à sortir. Burp...voilà mon ami l'abricot, tu es libre. Aussitôt, tout revient plus normal, plus de tête qui tourne, je me relève et on repart. Harald reste derrière pour ne pas donner de fausse allure, c'est vraiment bien. Un coup d'oeil en arrière, maintenant c'est au tour de nos poursuiveurs de lever le pied.....on rigole car c'est en train de  ressembler à une espèce de course d'escargots, les silhouettes comme au ralenti dans un duel pourtant bien réel. Un moment on se rapproche même de nos précédents doubleurs qu'on garde en point de mire, quelques minutes devant...mais on ne parvient pas à recoller. Le parcours reprend un peu de raideur et amorce un virage en S dans la caillasse, on ne le sais pas encore mais en fait on est à environ 1 km de l'arrivée. On traverse un dédale de gros blocs de granit....une pancarte..."last Km", boum, un regain de force se fait alors sentir, sans que rien d'autre que la lecture de la pancarte n'ait été fait, je pars en courant. Elle est là l'adrénaline dont on parlait en montant avec Harald qui se fait surprendre et doit accélérer le pas pour coller au mien. On arrive à un point de basculement du parcours......l'arche d'arrivée est en vue, ben ça alors, si je m'attendais à ça! 

J'ai l'impression d'arriver sur une station orbitale, on passe devant des photographes qui nous félicitent, je fais gaffe à mes pieds parce que ça redescend un peu, ça passe à droite d'un petit lac bleu / vert, allé, plus que quelques mètres, je scrute vers le haut, pas d'Ursula, pas de Max, pas de Bârbel....
Photo RESTUBE
au pied du dernier mur, une belle bosse caillouteuse, j'arrete de courir, savoure ce moment imaginé si souvent lors de mes entraînements.









 je regarde le haut de cette arche qui se rapproche, je me baisse pour toucher du plat des deux mains le tapis rouge au sol, Harald s'éloigne (le règlement demandait au support de ne pas franchir la ligne en même temps que le coureur), je lui fais signe de revenir, on se prend par la main.....au droit de l'arche, on passe la ligne ensemble, Ca y est, je suis Stonebrixiaman finisher, il est 20h01.....



On aura finalement pas été aussi longs que prévu, une demi-heure de moins, du coup, mon trio sensé nous attendre à l'arrivée est monté sur le sommet en face pensant nous voir arriver et descendre de ce promontoire pour faire l'arrivée ensemble mais ça n'aura pas fonctionné, ....on est arrivés trop tôt!


Si on regarde de près, on verra sur la photo ci-dessus les trois petits points sur le sommet derrière à gauche: notre trio!

A peine la ligne franchie, on est agréablement reçus par Francesco, à bras ouvert pour une franche accolade, celle d'un ami plus que celle d'un organisateur, c'est hyper touchant d'être accompagné et reçu de la sorte, à vrai dire, du jamais vu. (....sauf pour Marcel Zamora à Embrun....)

Un vrai moment de bonheur partagé, on voit Francesco heureux d'accueillir ses athlètes au sommet, un régal! Il me remet la veste en duvet des finisher, encore un point positif, on est loin de l'habituel tee shirt finisher.

Il est temps de s'éloigner un peu de la ligne, mes poursuivant arrive bientôt.
Harald part à la recherche de notre trio....dans le local du restaurant d'altitude lié au téléphérique, personne! On est presque inquiets lorsqu'ils arrivent soudain. On est heureux de se retrouver, on rigole sur l'énumération de ce petit loupé.....
mais c'est un détail.
Bârbel me montre le cliché pris depuis le sommet en face quand Max à crié, "hé, ils sont là, ils arrivent!!!" Je trouve la photo géniale!
Photo prise d'en face....".ils arrivent !!!"



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