mardi 26 août 2014

Embrunman 2014: Course à pied 3h41min10sec.


Ce départ du parc reste heureusement très « peuplé ». Les spectateurs sont partout et c’est à un bon train que je parcours les premiers Km. La montre indique 11km5 de moyenne avant la côte Chamois, j’entends un « Allez Nico », c’est Agnès qui est là, en bas de chez elle, je lui dis que j’ai le mental dans les chaussettes, elle m’encourage, je passe….la montée est vraiment raide, je marche sur les 500m qui suivent jusqu'au débouché sur la route en haut ou je repars dans ce faux plat encore montant qui nous amène au centre-ville. Courir ici ne me permettrait pas de gagner du temps et me grillerais pour le reste, alors prudence. J’arrive au centre-ville, la rue pavée, les spectateurs massés de part et d’autre qui ont improvisé une fanfare, plus intense encore que l’année passée avec une déco vraiment très au top. Un tapis rouge est même au sol pour délimiter la haie d’honneur qu’ils érigent à chaque passage de coureur. Je passe en mimant un salue d’artiste, me baissant en avant et faisant un geste déroulé de la casquette que je quitte et remets. Ils sont aux anges, plus hilares que les coureurs. Mais comment font-ils pour tenir ainsi pendant des heures ?
Harald m’a rejoint et m’accompagne,
il sent que je ne suis pas dans un bon jour et essaye de me motiver, on court comme ça presque 10 km, la partie sous le rocher, qui est une des parties les plus monotones du parcours et sur lequel le vent de face est particulièrement violent. Je lui dis que je serais certainement moins bon que l’an dernier et ça me fais mal d’y penser.

 Il me laissera au pont neuf en me disant qu’il serait là sur le deuxième tour, je lui réponds « si je suis toujours là », pas ironique du tout mais commençant à amorcer une descente irréversible dans le plus profond de mon maussade intérieur. Anthony me rattrape après le pont neuf, on échange sur nos états, je lui dis que je ne suis pas dans la course et que je pense peut être ne pas finir. Il me dis que je dois y aller pour ces foutues heures d’entrainement et pour tous ces Km de vélo et de course à pied qu’on à pas fait pour rien, mais au lieu de me booster, ça me mine. Je ne suis plus dans la course, je pense à l’an dernier et à l’état de fatigue de l’après course, à la tente des secours et à la perf. de glucose, à l’attente d’Ursula dehors qui se demande ce que je deviens, à ma nuit terrible avec une Gastro….mais était-ce bien une gastro, n’étais ce pas la course qui m’avait rincé comme ça. Je n’ai pas envie de finir dépouillé, d’avoir du mal à marcher le lendemain, de passer une nuit à vomir, assis dans une chaise de camping sans pouvoir me coucher….
Je vois qu’Antony est prêt pour aller plus vitre et lui dis de partir, il me dit que je vais sûrement le rattraper, je lui réponds que ça m’étonnerais.
En fait, chaque pas que j’amorce, j’ai la sensation d’aller inéluctablement à la rencontre de cet état de fatigue absolu que je pense inévitable à l’issu de cette course. J’ai une crainte maintenant identifiée et elle me terrorise. J’ai peur d’arriver parce qu’arriver signifie pour moi à ce moment de la course arriver en sale état. Je me remémore le film « à bout de course » et me transfigure dans la peau d’un de ces mecs, se mettant au taquet, au bout du bout de soi….mais dans quel but. Je n’ai pas envie de finir à la ramasse, j’ai envie de finir……sans terminer. C’est ça, sans terminer, car terminer veut dire être mal comme jamais.
Pour autant, j’essaye de continuer, poussé par un public omniprésent, courant sur le plat et les descentes, marchant dans les montées. Après Barratier, au premier tour, je retrouve même une foulée, avant le pont menant au plan d’eau, doublant à nouveau un gars des alligators (nom du club) qui me lâche « et tu t’es refait la cerise ! ». Je recours de nouveau plutôt bien effectivement, soignant ma technique pour optimiser au mieux les watts utilisés à faire ces Km. Mais comme pour enfoncer le clou et aller moins bien, je lui réponds « bien dans les descentes, nul dans les plats, à la ramasse dans les montées »…..il me redouble sur le pont avant le plan d’eau, me donne une tape amicale sur l’épaule….je marche !
Je cherche aussi des toilettes sur le parcours, mais il n’en existe que sur le parc de transition. Ca fait 5 km que je serre les fesses, croyant sentir les symptômes d’une diarrhée. Le tour du plan d’eau sera long avec un vent fort de face. Je me demande pourquoi je suis là à courir alors que je pourrais faire de la planche à voile sur le lac. L’eau est d’un bleu mente, le vent fait lever un clapot qui moutonne pas mal, la température idéale….mais pourquoi ai-je choisi ce sport de débile alors qu’il en existe des 1000 fois plus ludiques ?

A ce stade, plus une pensée n’est là pour me rappeler les joies que le franchissement d’une ligne d’arrivée peuvent procurer, de la fierté d’achever une telle épreuve, des souvenirs que cela laisse, de l’émotion que cela suscite ne serait-ce qu’à y repenser ou à en revoir des images, de savoir que Max m’attendrait pour faire la Finishline avec moi, peut être aussi Ursula, Harald… je n’y pense pas, comme si une partie de mon cerveau c’était mis en mode veille, comme si plus aucune connexion n’était là pour me permettre de profiter de toutes les heures de sacrifices à l’entraînement pour justement profiter au mieux de cette épreuve tant de fois imaginées, souhaitée, rêvée.
Enfin le parc, les toilettes…..rien ! Pas de diarrhée, pas de troubles gastriques. Je repars guilleret mais cela ne dure pas non plus, pas même le temps de faire le tour du parc ou je recommence à marcher, y compris sur la belle ligne droite toute bleue, les spectateurs m’engueulent, me sommant de repartir…pfff, je repars, si cela peut leur faire plaisir, je cours comme ça 2 Km pour marcher à nouveau, puis de nouveau les spectateurs etc…..
La cote Chamois à nouveau, je marche bien entendu, je suis triste, je me déçois, je me vois plus que minable, comme un sale gosse qui ne sait pas ce qu’il veut, qui après avoir consacré des mois à s’entraîner pour cette épreuve, refuse maintenant d’en profiter.

Harald me rejoins, on traverse le centre-ville ensemble, on attaque la descente. A hauteur du resto. où on avait vu Marcel Zamora prendre son repas du soir le mercredi, Ursula est là, je lui dis que j’en ai marre, que je ne suis plus dans la course, que je ne sais pas ce qui m’arrive mais que j’ai plus le mental. Elle me dit que ça va passer, il faut continuer, un spectateur prend aussi le parti de me pousser à continuer. J’évoque des serrements de gorges qui m’empêchent de m’alimenter correctement en solide, je les identifie comme les premiers signaux de cette décadence que je crois obligatoire décrite plus haut. Je passe devant le ravitaillement, mais rien ne me donne envie tant cela me rappelle ce que j’avais eu en horreur après coup l’an dernier (crainte de gastro. sur les ravitos…)
Je me dis que ce n’est plus du triathlon, qu’un marathon ça se court, qu’on est pas là pour finir si c’est pour marcher 20 km sur 42, que marcher devant autant de monde c’est honteux, que je ferais mieux de jouer aux boules plutôt que de prétendre vouloir faire du triathlon. D’ailleurs, pourquoi est-ce que je fais ce sport ? Mais pourquoi donc ?
Je me ré arrête avec Ursula et lui dis que je vais aller voir un arbitre pour lui donner mon dossard…, à la prononciation de ces derniers mots, je lui tombe dans les bras et fond littéralement en larmes, je réalise que je gâche la fête, une tristesse immense m’envahit.

Elle me redit de repartir, de continuer et voir si ça va pas aller mieux, sans rien dire de plus, je repars, dans la descente, je cours comme ça jusqu’au croisement avec la cote chamois à la montée, et amorce la petite pente vers le Km 29. Agnès nous a rejoint, je fais un signe pouce vers le bas, pour dire, c’est mort. Je continu encore un peu avant que la pente ne se redresse et finalement marcher…..au virage à gauche qui mène vers la Durance, des bénévoles sont là, je vais voir une femme en gilet fluo, je lui dit que je m’arrête là, je saisi une après l’autre les 3 attaches de mon dossard, calmement pour lui donner symboliquement ce qui me place encore dans la course, mon dossard, le 891, et lui tend. Elle le saisi. Ma main est vide, je quitte l’Embrunman 2014 au Km 30 après 3h41 de course à pied.

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